Revue multidisciplinaire sur l'emploi, le syndicalisme et le travail
Volume 10, numéro 2, 2016
Sommaire (5 articles)
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Présentation du numéro
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Le phénomène « génération Y » : symbole d’une plainte existentielle ?
Sylvain LUC et Charles FLEURY
p. 4–22
RésuméFR :
Cet essai théorique propose d’éclairer les tenants et aboutissants de la propagation chez les cadres du discours prophétique invitant à considérer le phénomène « génération Y » comme un défi à relever, voire un problème à résoudre, en vue d’assurer la survie et la pérennité des organisations professionnelles dont ils ont la charge. Prenant appui sur les récentes recherches sur le sujet, nous montrons d’abord que l’explication sociocognitive sous-jacente au concept de génération ne tient pas et que le phénomène « génération Y » relève du mythe. Ensuite, nous établissons que le discours sur les aspirations des jeunes travailleurs s’est transformé au fil du temps en un discours stigmatisant un ensemble de comportements problématiques pour la gestion des ressources humaines, puis nous décodons ces comportements en montrant qu’ils découlent de caractéristiques propres à la jeunesse et des transformations récentes du monde du travail. Enfin, nous avançons l’hypothèse selon laquelle le discours ambiant sur la « génération Y » revêt les allures d’une plainte existentielle et revendicatrice émanant de cadres et de gestionnaires et faisant écho aux difficultés et aux frustrations que ces derniers rencontrent dans cette société managériale postfordiste.
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Le mouvement syndical québécois face à la constitutionnalisation du droit du travail : naviguer en eau trouble… Des précaires chez les protégés! Le cas des constables spéciaux du Québec
Diane GAGNÉ
p. 23–43
RésuméFR :
À la recherche d’un nouvel équilibre en raison des présentes transformations du marché du travail, les réorganisations et la flexibilité se négocient en échange d’une protection accrue pour ceux qui restent. De sorte que prolifèrent de nouvelles formes d’emploi atypiques, pendant que la constitutionnalisation du droit du travail change le rapport à l’universalisme syndical. Cela étant, cet article veut faire la lumière sur certains impacts causés par la négociation des clauses de disparité de traitement dans les milieux de travail syndiqués. La discussion s’appuiera sur une revue de littérature juridique et historique, sur une quarantaine d’entretiens semi-dirigés réalisés à l’été 2011 et des relances téléphoniques. Il en ressort que certaines clauses de disparités de traitement permettraient (compte tenu de l’état actuel du droit) le contournement de la discrimination au sens de la Charte québécoise et l’évitement de processus juridiques longs et coûteux. Si bien que nous conclurons que ces clauses de disparité de traitement amènent dans les milieux de travail des problèmes de solidarité, d’adhésion syndicale, des conflits tant générationnels qu’idéologiques, beaucoup de non-dits, et cela, souvent au nom d’impératifs économiques.
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L’intérêt et l’engagement syndical des travailleuses de l’industrie de la construction
Caroline LEDUC, Nathalie HOULFORT et François-Albert LAURENT
p. 44–65
RésuméFR :
La participation syndicale des femmes demeure un enjeu important, malgré la présence accrue de celles-ci au sein de différentes instances syndicales. Il est soulevé que l’intérêt des femmes pour le syndicalisme accuse un certain retard, comparativement à celui que lui accordent les hommes, et que ce retard est particulièrement marqué dans le milieu de la construction. Le présent article vise à tester un modèle théorique des facteurs expliquant l’intérêt des travailleuses de la construction pour l’engagement syndical. Une étude corrélationnelle a été réalisée auprès de 230 travailleuses de la construction au Québec afin de déterminer le rôle de facteurs organisationnels, interpersonnels et individuels dans le fait qu’elles sont intéressées à s'engager syndicalement. Les résultats suggèrent que l’intérêt des travailleuses de la construction pour l’implication syndicale est multifactoriel. Entre autres, il semble que l’implication actuelle, les connaissances syndicales et le sentiment d’efficacité personnelle de la travailleuse jouent un rôle important dans son désir de s’impliquer. Les résultats obtenus permettent de dégager des pistes d’action que les organisations syndicales pourraient mettre sur pied afin d’inciter plus de femmes à s’impliquer dans leur syndicat.
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L’organisation collective pour l’obtention d’une voix au chapitre : illustration d’une forme de représentation complémentaire au syndicalisme
Mélanie GAGNON, Catherine BEAUDRY et Ann-Gabrielle CARETTE
p. 66–84
RésuméFR :
Cet article propose de jeter un regard sur les raisons ayant mené à la création d’une association non syndicale dans l’industrie du camionnage. L’objectif est d’analyser a posteriori la mise sur pied de cette association de routiers en vue de l’obtention d’une voix au chapitre à la Table de concertation gouvernement-industrie sur la sécurité des véhicules lourds. À cette fin, la construction théorique prend appui sur les notions de projet et de représentation non syndicale. Le regroupement est né en ayant pour dessein de faire reconnaître le métier. Il fonctionne en s’assurant de représenter collectivement les routiers, tout en conférant des avantages individuels aux membres. Cette association s’écarte ainsi de la sphère des relations du travail et ne vise pas à se substituer au syndicalisme, mais à opérer en parallèle avec des objectifs différents en matière de représentation dès lors qu’elle regroupe des routiers, peu importe leur statut d’emploi : salariés, travailleurs autonomes, voire employeurs.